Qui n'est pas venu sur la grande muraille de Chine n'acquiert pas la bravitude

Publié le par Jacques Michaud

C'est un combat d'arrière-garde que de censurer la langue : il faut libérer les mots (1)

Il est reproché à Ségolène Royal d'avoir utilisé, lors de son récent voyage en Chine, un barbarisme : la bravitude. Il y a même des roués journalistes qui laissent planer l'idée qu'il s'agirait d'une faute de français de la possible future Présidente des Français (du moins, si personne ne savonne la planche). Regardez-moi ces censeurs à la con, ces défenseurs de la liberté qui dénient à une candidate le droit d'inventer un mot. Certains qui trouvaient joli et couillu le "abracadabrantesque" de l'homo chiracus, ou top moderne la "gouvernance" raffarinardeuse et peu couillue, se gaussent, font des gorges chaudes et se font gardes-chiourmes d'une langue qu'ils ne maîtrisent pas toujours eux-mêmes, les branques !.

En fait, on s'en contrepète un peu de ces petits combats de petits esprits mesquins incapables de faire un mot-valise mais tout à fait capables de porter les valises de ceux dont ils attendent quelques miettes, au besoin en leur léchant les bottes ou en sarkozonant dans leurs allées pleines de parquets rayés.

C'est un combat d'arrière-garde que de censurer une langue, surtout lorsqu'elle est agile et propice à procurer du plaisir. Il faut libérer les mots !

Moi, perso, j'adore inventer des mots, les adapter, les tripatouiller, les enfiler. J'adore par exemple entendre un  néo-rural coolos parler de sa bérouette tout embernée. Certes, ce n'est pas trop up-to-date ni très bobo but c'est joli. Sans compter que ça obéit  à une volonté de simplifier l'oralisation de la langue (ce genre de mécanisme sophistiqué a été décrit par des (plus) balèzes (que moi) dans des livres qui ne se sont pas forcément bien vendus). Brouette donne bérouette, plus facile à prononcer, "bern" remplace "bren" qui signifiait "merde" en vieux français.  Ce qui fait la différence entre la faute de français et l'usage poétique du langage, c'est  dans le fond que la première est le plus souvent involontaire alors que le second ressort d'une volonté consciente.  Quand je parle d'usage poétique, je me réfère à la fonction poétique du langage, sans idée de jugement subjectif sur une quelconque  valeur poétique.

Alors laissons la langue se délier, se faire gourmande, aller de l'avant, sans contraintes. Que des normalisateurs fassent des propositions, rien que de très normal, seul l'usage consacre la langue.

2 exemples de préconisations des normalisateurs : ils ont suggéré d'utilser "le syntoniseur" au lieu de "le tuner" (radio) et "la dominique" au lieu du "week-end" (dimanche, dominical). Résultat : que dalle ! Pourtant c'est quand même sympa de se faire une petite dominique au bord de la mer, non ?

(1) Elisabeth G., qui se reconnaîtra évidemment, me cite à chacune de nos rencontres cet aphorisme que j'aurais prononcé d'un air extrêmement pénétré un soir où il devait sans doute faire très chaud. Ceci dit, je maintiens. Je me cite approximativement car je suis incapable de me cloquer ma propre phrase dans le ciboulot.

Publié dans Barbarisme

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tout à fait d'accord... J'ai touvé ca tellement ridicule l' insistante des concurrents du ps à pointer du doigt cet insignifiant fourchage de langue...
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